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À la CMAAP 6 / Cédric LEVITRE, IPEMED : « L’Europe est le meilleur partenaire pour accompagner l’Afrique dans la création d’une nouvelle génération de ZES »

16 novembre 2022
À la CMAAP 6 / Cédric LEVITRE, IPEMED : « L'Europe est le meilleur partenaire pour accompagner l'Afrique dans la création d'une nouvelle génération de ZES »
Conseiller à l’industrialisation de l’Afrique de l’IPEMED, Cédric LEVITRE participait le 9 novembre au panel de notre CMAAP 6. Il précise ici le concept de « deuxième génération » de ZES, les zones économiques spéciales dont IPEMED porte le plaidoyer tant auprès de la Commission UE que des autorités africaines et des entrepreneurs des deux continents.

Une contribution de Cédric LEVITRE
Conseiller pour l’industrialisation de l’Afrique
de l’IPEMED
(Institut de Prospective économique
du monde méditerranéen, Paris)

L’extraordinaire défi auquel sera bientôt confrontée l’Afrique et, par contrecoup, le reste du monde tient en trois chiffres : en 2050, l’Afrique abritera un quart de l’humanité et un Africain sur deux aura moins de 25 ans !
D’où la nécessité – pour relever ce défi – d’accélérer l’industrialisation de l’Afrique et le processus visant à transformer en emplois et ressources cet extraordinaire potentiel humain et démographique. Car l’industrialisation est à l’évidence « le seul levier » possible qui soit à la hauteur des besoins du Continent. Ce processus d’industrialisation permet d’abord, la montée en gamme dans la fabrication de produits, et ensuite l’insertion dans les chaînes de valeur mondiales, dans le partage international de la fabrication d’un bien ou d’un service.

Les Zones Économiques Spéciales (ZES) sont un des facteurs qui peuvent contribuer à résoudre cette équation et constituent « une piste pour créer des emplois en Afrique ». Les ZES se caractérisent généralement par un périmètre géographique délimité et bénéficient d’avantages, notamment fiscaux, de réductions douanières, et de simplifications administratives. Le bénéfice est double : l’environnement de production des entreprises et le climat des affaires.

En effet, les entreprises ont besoin de facteurs de production, ce sont les ressources mises en œuvre pour la fabrication des biens ou d’un service. (Capital, ressources humaines, infrastructures, fournisseurs, eau, électricité, Internet, etc.). En Afrique, ces facteurs de production peuvent être dispersés ou en insuffisance. Il s’agit donc de les concentrer dans ces zones à un moment où les capacités budgétaires des États sont limitées. Grâce à leur concentration, les entreprises bénéficient d’économies d’échelle.
Le second gain est un meilleur climat des affaires. Les Zones Économiques Spéciales (ZES) peuvent en effet catalyser la reconstruction, à une plus petite échelle, d’un environnement opérationnel, international et fiable des affaires, apte à intégrer les chaînes de valeur mondiales. On réduit par conséquent les éléments d’incertitude liés aux échanges commerciaux.

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Le modèle dépassé
des ZES chinoises

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En combien de temps la Chine est-elle devenue le PREMIER atelier du monde. En seulement 40 ans Et comment ? En construisant 2 546 Zones Économiques Spéciales (ZES). En Afrique, les organisations internationales comptent 237 Zones Économiques Spéciales (ZES) pour une population de même importance qu’en Chine. Mais les ZES de première génération ne correspondent plus aux attentes du Continent. il faut qu’elles soient désormais inclusives, durables, sécurisées et équitables ».

Le modèle de première génération est en effet souvent assimilé par les Africains à des « enclaves territoriales », et est essentiellement centré sur l’attrait des investissements directs étrangers (IDE) par des exonérations fiscales qui doivent être temporaires mais qui deviennent la norme avec le temps, et par l’exportation de biens produits seulement de faible valeur ajoutée. Du fait de leur faible capacité à générer des revenus pour les États et à développer un écosystème socio-économique local, ces ZES de première génération ne répondent ni aux besoins ni aux attentes des pays africains

De plus, le dernier rapport de la CNUCED sur l’investissement dans le monde en 2022 indique que les années à venir seront marquées par de profondes réformes de la fiscalité internationale, notamment sur les mesures d’incitation fiscale qu’utilisent abondamment les Zones Économiques Spéciales en Afrique. Passer des dérogations fiscales à des avantages budgétaires va devenir un défi supplémentaire pour les États africains.

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Les ZES nouvelle génération,
selon IPEMED

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Dès lors, un modèle de ZES nouvelle génération est à construire. IPEMED propose que les nouvelles ZES soient plus inclusives, durables, sécurisées et équitables.
Inclusives, en s’appuyant sur l’écosystème socio-économique territorial.
Durables, par référence aux exigences sociales et environnementales (tels les éco-parks) et par référence à la progressivité des investissements à programmer.
Sécurisée, en sécurisant les IDE et les revenus pour l’Etat, ainsi que l’accès aux infrastructures de service (eau, énergie, traitement d’eau, gestion des déchets, connectivité
Équitable, en intégrant l’Afrique dans les chaînes de valeur et en favorisant la coproduction (partenariat, parité, transfert de technologie).

Je suis convaincu que l’Europe est le meilleur partenaire pour accompagner l’Afrique dans cette transformation. En Italie, les districts industriels jouent un rôle fondamental dans l’économie nationale, contribuant à des écosystèmes socio-économiques dynamiques dont la performance est reconnue. Au travers de jumelages, l’expérience italienne des districts peut inspirer l’Afrique pour accélérer son industrialisation et pour intégrer peu à peu les jeunes qui sont dans l’économie informelle.

Comment créer plus d’emplois, plus vite ? L’histoire économique nous apprend comment enclencher un processus de transformation structurelle d’un pays. Il s’agit de combiner volonté politique, capter et s’approprier la technologie, et concevoir un cadre institutionnel.
Les Zones Économiques Spéciales (ZES) répondent aux deux derniers critères et sont en soi un cadre de promotion et de facilitation des investissements et un lieu pour attirer le savoir-faire et la technologie des pays développés.
Sur le premier critère, il va de soi que le soutien politique est indispensable pour arrimer les ZES à la politique industrielle des pays ou à une politique régionale dans le cadre de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF). Trop de Zones Économiques Spéciales ont été construites en pensant que les entreprises allaient venir. Il n’en a rien été.

En effet, l’expérience montre que le succès des politiques de développement des ZES est fortement lié à leur alignement sur la politique industrielle du pays, et à leur cohérence spatiale en tenant compte des spécificités des pôles économiques régionaux et en évitant d’enclaver des ZES ou de les implanter hors des bassins d’emplois et dans des zones mal connectées aux infrastructures nationales. Le soutien politique doit s’engager pour lever les obstacles liés au climat de l’investissement.

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Le rôle-clé du secteur
privé et du PPP

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Sur le plan de la conception des ZES de deuxième génération, la relance se fera par le secteur privé et l’investissement. Le Partenariat Public-Privé (PPP) apparaît comme le dispositif le mieux adapté pour faire face aux contraintes des ressources publiques, introduire le savoir-faire et la technologie du secteur privé, pour proposer des services publics de meilleure qualité grâce à une meilleure efficacité opérationnelle, et pour développer les capacités du secteur privé local.

Les ZES de première génération reposent sur une industrialisation fondée sur « l’unité de production de grande taille ». Or, dans un monde volatile, incertain, complexe, et ambigu, ces approches traditionnelles vont trouver leurs limites au profit d’une approche territoriale et d’une industrialisation à petite échelle. Envisager la progressivité des ZES – tout comme des agropoles, leur équivalent agricole – doit permettre de sécuriser la démarche et l’apprentissage pour mieux gérer son évolution.

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L’Europe peut
accompagner l’Afrique

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Une coopération économique plus forte avec l’Europe passe par l’insertion aux chaînes de valeur. L’Europe peut accompagner l’Afrique dans la construction, la promotion, et l’exploitation de Zones Économiques Spéciales au travers d’un consortium d’entreprises euro-africain.

Notre monde est à la croisée des chemins. Aujourd’hui plus qu’hier, nos destins sont liés. L’avenir de la France et de l’Europe est au Sud pour des raisons culturelles, économiques, sociales, environnementales et de proximité géographique évidentes. Les ZES représentent de nouvelles pistes pour une coopération économique plus forte entre l’Afrique et l’Europe. Elles constituent des réalités physiques facilement identifiables, qui agrègent des problèmes et des solutions dans les domaines de l’eau, de l’énergie, de la logistique, du numérique et de l’environnement. C’est pourquoi les ZES peuvent être la partie visible du « Global Gateway » sous forme de « Local GATEWAY ».

Sans oublier les conséquences de la guerre en Ukraine, le changement climatique a des répercussions sur nos écosystèmes, entraînant des coûts économiques et sociaux considérables. Il faut voir ces conséquences comme une opportunité de changement de l’ordre mondial en faveur d’un développement industriel inclusif et durable. L’Afrique et l’Europe pourraient bénéficier énormément de ce moment géopolitique en articulant une position claire et commune sur ce qu’exige un ordre mondial répondant à ses besoins.

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À propos de l’IPEMED - IPEMED est un institut de réflexion et d’action d’intérêt général, créé il y a plus de 15 ans sous la présidence de Nicolas SARKOZY. Sa vision est de porter la région verticale « Afrique - Méditerranée - Europe » comme espace géographique pertinent de coopération.

Son rôle consiste à rapprocher l’Afrique et l’Europe par l’économie et ainsi œuvrer à la prise de conscience d’un avenir commun et d’une convergence d’intérêts. Son rôle est complémentaire à l’action menée par la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF) et le Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN).
Dans le cadre de ses missions, IPEMED porte un programme spécifique sur les Zones Économiques Spéciales (ZES) de deuxième génération : inclusives, durables, sécurisées, et équitables. Ces zones offrent un cadre pour industrialiser l’Afrique avec la problématique de transformer sur place les matières premières constituant l’ambition de nombreux pays africains.
IPEMED accompagne des collectivités locales africaines dans le changement structurel et de diversification de leurs économies locales. Ce travail se fait en collaboration avec le Bureau de Prospective Économique du Sénégal, la fondation Mahamadou ISSOUFOU, et le CesPI (Centro Studi di Politica Internazionale) de Rome.

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>La « photo de famille » de notre CMAAP 6 du 9 novembre 2022

à l’Académie des Sciences d’Outre-mer, réunie autour du thème :
« AFRIQUE-EUROPE : Quelles nouvelles pistes pour une coopération économique plus forte ? »

DE GAUCHE À DROITE sur la photo, © Frédéric Reglain : Mme Jessica LARSSON, Cheffe adjointe de la Représentation de la Commission européenne en France ; S. E. Mme Kane Aïchatou BOULAMA, Ambassadeur du NIGER ; M. Cédric LEVITRE, Conseiller à l’industrialisation de l’Afrique de l’IPEMED (Institut de prospective économique du monde méditerranéen) ; M. Alfred MIGNOT, Directeur AfricaPresse.Paris et organisateur-modérateur des CMAAP ; - S. E. M. Alain LE ROY, Ambassadeur de FRANCE ; - S. E. Mme Anna BOSSMAN, Ambassadeur du GHANA ; - S. E. M. François NKULIKIYIMFURA, Ambassadeur du RWANDA ; - S. E. M. Eusèbe AGBANGLA, Ambassadeur du BÉNIN ; - M. Patrick SEVAISTRE, Président de la Commission Institutions européennes du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique).

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CLIQUEZ ICI ET VOYEZ LE REPLAY
DE NOTRE CMAAP 6 du 9 novembre 2022

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Une vue de la salle pendant la conférence. © Frederic Reglain

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TOUS NOS ARTICLES SUR LA CMMAP 6 :

 À la CMAAP 6 / Patrick SEVAISTRE (CIAN-EBCA) : « Arrêtons de donner des leçons ! L’Afrique a plus de besoin d’investissements que d’aide »

 À la CMAAP 6 / Mme Kane Aïchatou BOULAMA, Ambassadeur du Niger à Paris : « Mon pays regorge d’atouts pour attirer les investisseurs étrangers »

 À la CMAAP 6 / S. E. M. Alain LE ROY, Ambassadeur de France : « L’Europe reste de très loin le premier partenaire de l’Afrique »

 À la CMAAP 6 / Mme Kane Aïchatou BOULAMA, Ambassadeur du Niger à Paris : « Nous attendons de l’Union européenne des engagements substantiels pour soutenir le secteur privé »

 À la CMAAP 6 / Cédric LEVITRE, IPEMED : « L’Europe est le meilleur partenaire pour accompagner l’Afrique dans la création d’une nouvelle génération de ZES »

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[LA CMAAP 7 – VIIe Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris – se tiendra le mercredi 14 décembre 2022, à partir de 17 h 30

à l’Hôtel de l’Industrie (4, place Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris).
Le thème :
« Les Régions et métropoles, acteurs émergents de la diplomatie économique territoriale Afrique-France ».
Informations complémentaires à venir prochainement sur notre site.

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