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Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (3/3) : « Pour réussir en Afrique, nos entreprises doivent devenir africaines, s’associer aux entrepreneurs locaux »

11 décembre 2020
Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (3/3) : « Pour réussir en Afrique, nos entreprises doivent devenir africaines, s'associer aux entrepreneurs locaux »
Dans ce troisième volet de notre entretien, Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance, annonce la création d’un Accélérateur d’entreprises dédié à l’Afrique, évoque l’immense travail de pédagogie pour encourager des PME à se lancer à l’export, explique sa préférence pour une stratégie multipays d’implantations de coproduction.

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Entretien exclusif, par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Qu’en est-il de « l’Accélérateur international »d’entreprises, que vous avez créé en 2019 ?

Pedro NOVO – Grâce à cet Accélérateur international, ce sont aujourd’hui 26 entreprises, sur deux promotions de dix-huit mois, qui ont bénéficié d’un programme intensif d’accompagnement. Elles sont très diverses mais ont un point commun : un fort potentiel de développement à l’international et une volonté d’y réussir.

Nous avons déjà lancé deux promotions. La première promotion aura abouti en décembre, et tous les participants affichent une satisfaction maximale : ils sont très heureux d’avoir participé à cette aventure avec des missions de conseil réalisées auprès des dirigeants et de leurs comités de direction. Ils y retrouvent la camaraderie nourricière à l’Export que font si bien nos collègues allemands ou italiens. Une forme de bienveillance collective, solidaire et inspirante, la source de confiance.

L’accompagnement s’est focalisé sur la stratégie, l’organisation et la priorisation pays, l’émulation collective grâce à des séminaires en présentiel ou distanciel, en France ou à l’étranger, notamment à Londres, pour une partie des entreprises. Les participants ont apprécié de se confronter à des points de vue différents, de pouvoir comparer leurs stratégies, d’être engagés dans une logique collective.

Vu ce succès, nous allons accentuer notre programme 2021, avec la prise en charge d’une troisième promotion et la création d’un Accélérateur dédié à l’Afrique.

Quelles seront les spécificités de cet Accélérateur Afrique ?

Pedro NOVO – Nous sommes en pleine campagne de recrutement des entreprises de cet Accélérateur Afrique que nous lancerons en début d’année 2021. Avec Business France et la Team France Export, nous avons conçu un programme adapté au continent africain pour nos entrepreneurs français. Pour « bien faire » l’Afrique, nous préconisons de s’inscrire dans une démarche de collectif pour le continent, de s’enrichir mutuellement de contacts avec des entreprises de secteurs très divers. Car c’est précisément cette richesse de visions différentes, de cultures différentes, de réseaux différents, qui fait la réussite de ces projets.

La création de l’Accélérateur Afrique est une étape importante. Mais d’ici à la fin de l’année, nous allons également renforcer notre présence sur le continent – nous avons déjà des collaborateurs implantés à Nairobi, à Abidjan… – et allons inaugurer deux nouveaux bureaux, à Dakar et à Casablanca. Nous disposerons ainsi de quatre implantations répondant à cette promesse de proximité attendue des entrepreneurs africains et des autorités africaines.

Nous renforcerons également le tropisme africain de notre prochain BIG, le Bpifrance Inno Génération, que nous organisons chaque automne à l’Accor Arena de Paris Bercy.

Envisagez-vous des actions de promotion en Afrique ?

Pedro NOVO – Justement, nous allons décliner localement sur le continent ce que nous faisons en France avec le BIG Tour, au travers d’un agenda de trois dates à Nairobi, Abidjan et Casablanca, afin que l’écosystème entrepreneurial nous connaisse davantage, qu’il sache encore plus ce qui se fait en France sur les ressources financières mobilisables auprès de la team France, et qui peut les aider à investir sur un plan technologique ou industriel en se sourçant en France

En fait, Bpifrance est aujourd’hui la banque française du commerce extérieur 4.0, mais aussi la banque française des entrepreneurs pour l’Afrique. Notre objectif, vous l’avez compris, est de mettre le continent à la portée de nos entreprises et symétriquement, de placer les entreprises africaines en capacité de coopérer plus avec des entreprises françaises. Ce sont les racines d’un nouveau récit entrepreneurial entre l’Afrique et la France. Il se passe quelque chose, il faut saisir ce momentum.

Nous avons un travail de porte-à-porte de masse à faire en Afrique et en France pour expliquer que d’un côté, il existe des opportunités françaises à saisir, et que de l’autre l’Afrique est pleine de potentiel, dès lors que nos entreprises sont bien préparées pour s’y déployer et réunissent les bonnes conditions, à la fois financières et d’accompagnement, pour pouvoir y investir avec succès.

C’est donc un important travail de pédagogie et de coordination entre les acteurs français qu’il nous revient d’accomplir, et probablement aussi faut-il réviser l’organisation du financement en Afrique. Je pense en effet nécessaire de revoir les paradigmes qui nous ont permis aujourd’hui de déployer les ressources du financement sur le continent africain. Il nous appartient de rendre ces mécanismes et ces outils très riches, très puissants, encore plus accessibles aux PME et encourager leur meilleure articulation dans un plan de financement pour faire naître des « deals win-win ».

Justement, quelles actions allez-vous privilégier pour convaincre plus de PME de se projeter en Afrique ?

Pedro NOVOL’Afrique est une terre de PME. Ce n’est pas qu’une terre de puissances du CAC 40 – que j’apprécie beaucoup par ailleurs, bien sûr, et que nous accompagnons aussi de manière déterminante autour de superbes projets d’infrastructures. Mais l’Afrique doit être aussi la terre des PME des deux continents, en Europe au travers de la France, et en Afrique avec des PME africaines.

Donc, je ne me résous pas à ce que l’Afrique ne soit pas aussi l’affaire de nos PME. Pour qu’elle le devienne, il faut que nous adaptions les outils et la gouvernance des équipes en place dans les ambassades, les chambres de commerce, les bureaux de Business France, de l’AFD ou de sa filiale Proparco avec laquelle nous partageons beaucoup de valeurs, ou encore de la Direction Générale du Trésor avec ses services économiques engagés.

Une articulation coordonnée, offensive, ambitieuse et bienveillante sera nécessaire pour transformer le doute des dirigeants de PME en confiance en soi. Construisons une alliance nouvelle pour une ambition partagée, en toute transparence, pour établir des passerelles beaucoup plus nombreuses qu’elles ne le sont entre les entreprises de nos territoires et les entreprises africaines. Je le disais au début de notre entretien : marier davantage nos écosystèmes entrepreneuriaux, c’est notre prochaine frontière.

Jusqu’ici, beaucoup d’initiatives pertinentes ont été prises. Sérieuses, rigoureuses, puissantes… mais elles sont encore trop en silos et nous devons travailler davantage à horizontaliser les moyens mis en œuvre, à nous placer plus dans la coopération transversale, et donc à constituer un nouveau collectif français, qui permettra de renforcer la coopération entre les entrepreneurs africains et français.

Car en tant qu’entrepreneur, que vous soyez en Afrique ou en France, à la fin des fins vous partagez la même ambition de croissance. Vous affrontez les mêmes difficultés pour convaincre un client, un investisseur ou accéder aux financements. Bien que les écosystèmes de financement diffèrent en maturité, qu’une start-up soit située à Paris ou en Afrique, son accès aux financements reste difficile. La seule différence tient à la qualité de l’écosystème de formation, de coaching, d’accompagnement, d’encadrement qui, sur le continent africain, reste à construire, à parfaire parfois ou à renforcer.

Un ou deux conseils stratégiques, d’intérêt général ?

Pedro NOVO – Je dirai l’approche stratégique multi-pays et l’implantation locale de coproduction.

L’Afrique, ce sont 54 États, 54 réalités différentes qu’il serait erroné de réduire en une destination unique, exclusive. Nos entreprises doivent avoir les moyens de diversifier leurs risques en étant présentes d’emblée sur plusieurs géographies, à déployer dès le début un projet sur de souffle long, qui s’inscrit dans la durée et vise à devenir local en ayant très vite des projets d’implantation de production sur le continent africain.

C’est à ce prix-là qu’elles réussiront. Elles peuvent aussi s’embarquer en sous-traitance, souvent en collaboration avec des acteurs locaux pour accompagner les grands comptes, là où ils vont et où ils gagnent de grands projets d’infrastructure. C’est une autre possibilité de développer une stratégie multi-pays.

Par ailleurs, pour réussir en Afrique, nos entreprises doivent devenir africaines, elles doivent s’associer aux entrepreneurs locaux. C’est aujourd’hui la clé du business sur le continent, avec les PME. C’est logique, car on ne peut pas attendre des entrepreneurs africains, qui sont en train de naître ou de grandir, qu’ils achètent purement et simplement nos services et nos produits sans avoir une forme de co-développement, de transferts de compétences, de service après-vente assurée sur place, de partager la création de richesse.

Tout cela participe du développement de la transformation industrielle des matières premières sur le continent. C’est un enjeu désormais ressenti comme essentiel en Afrique, et c’est pourquoi nos entreprises doivent tenter de devenir, dans cette logique de transfert de compétences, des acteurs locaux.

Quel est le bon tempo pour prendre la mesure de tous ces efforts accomplis ?

Pedro NOVO – Je n’ai pas de réponse générale. Cela dépend du secteur, de la nature et de la maturité de l’entreprise… On dit souvent, aux États-Unis comme en Afrique, qu’il faut revoir son budget en multipliant par deux le temps d’atteinte du point mort, et par deux les ressources du plan d’affaires d’origine… C’est aussi une manière de dire qu’il est vain de se positionner sur « un coup », on doit s’inscrire sur un projet durable. Pour résumer en une phrase : l’Afrique est l’école du temps long et de la patience. La bonne nouvelle ? Nous disposons des moyens et des ressources d’accompagnement pour courir ce marathon.

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Retrouver les trois volets de cet entretien :

Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (1/3) :
« Notre ligne d’horizon à dépasser, c’est la co-construction
du partenariat entre les entrepreneurs Africains et Français »

 Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (2/3) :
« L’articulation Europe-Afrique, c’est notre priorité,
car elle est au cœur de nos enjeux de croissance ! »

 Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance (3/3) :
« Pour réussir en Afrique, nos entreprises doivent
devenir africaines, s’associer aux entrepreneurs locaux »

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