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Princesse Esther Kamatari : « Recyclons les sachets plastiques qui polluent nos villes d’Afrique ! »

30 mai 2021
Princesse Esther Kamatari : « Recyclons les sachets plastiques qui polluent nos villes d'Afrique ! »
Présidente d’une Fondation de protection de l’environnement, la Princesse Esther Kamatari vient d’inaugurer l’opération « Bamako zéro plastique » avec le soutien de la MINUSMA. Et lance un cri du cœur à l’astronaute Thomas Pesquet pour l’aider à sensibiliser les autorités maliennes en prenant des photos de la pollution depuis l’espace…

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Propos recueillis à Bamako par Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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Le 5 juin prochain sera la Journée mondiale de l’environnement, mais votre Fondation Princesse Esther Kamatari, installée à Bamako, n’a-t-elle pas déjà pris les devants ?

Esther Kamatari – C’est une question qui me tient à cœur et nous n’avons pas attendu cette Journée mondiale pour prendre des initiatives concrètes. Comme en témoigne l’opération « Bamako zéro plastique » lancée lundi dernier à proximité de l’aéroport international Modibo Keita, avec l’appui précieux de la MINUSMA (Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali) et de la municipalité de la Commune VI de Bamako.

La gestion des déchets plastiques constitue, en effet, un des grands défis urbains des pays en voie de développement dont la croissance démographique et la diversité des activités socio-économiques sont à l’origine de dégradation de l’environnement. Mais ne restons pas les bras croisés et agissons pour donner le bon exemple. Recyclons les plastiques noirs qui polluent et défigurent nos villes d’Afrique.

Comment est né ce beau projet écologique ?

Esther Kamatari – Représentante de la MINUSMA à Bamako, Mme Mbaranga Gasarabwe, du Rwanda, a cru à ce beau projet dès le début et m’a fait l’honneur de participer lundi 24 mai à la cérémonie de lancement de l’opération, sur la route de l’aéroport. Je la remercie infiniment pour son engagement, son appui concret et le travail formidable de toutes ses équipes – la Force, l’unité Genre, la direction de la stabilisation, la Communication – pour soutenir la Fondation dans ce projet de collecte et de recyclage des sacs plastiques noirs en pavés plastiques à usage urbain, dans le respect de l’environnement.

Mme Mbaranga Gasarabwe, Représentante de la MINUSMA à Bamako, lors de son allocution de soutien à l’initiative « Bamako zéro plastique » lancée par la Princesse Esther Kamatari, le 24 mai 2021. © BF

« Comme dans d’autres villes africaines, où la gestion des déchets est insuffisante, on observe à Bamako des tas d’immondices, des caniveaux transformés en décharge, des déchets brûlés dans les rues et, si le manque de moyens financiers semble être la cause principale selon les acteurs de la gestion des déchets, une meilleure politique est indispensable et possible, à notre avis », a-t-elle observé, en soulignant que la MINUSMA et les Agences des Nations Unies sont prêtes à s’engager auprès des autorités municipales et gouvernementales de Bamako pour les accompagner et les soutenir dans leurs démarches écologiques. De plus, un meilleur système de gestion de ces déchets constitue un créneau porteur de développement.

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« Cher Thomas Pesquet, pourriez-nous
nous faire de l’espace une photo de Bamako ? »

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Concrètement, que représente l’appui de la MINUSMA ?

Esther Kamatari – En acceptant de financer ce projet à hauteur de 100 000 $ pour Bamako et Mopti, la Minusma nous aide non seulement à assainir notre environnement – car ce sont environ 50 tonnes de déchets plastiques noirs qui seront ainsi collectés –, mais elle contribue de surcroît à la création d’emplois pour les femmes et les jeunes, jusqu’aux ingénieurs des start-up locales innovantes qui sont rentrées dans cette chaîne d’assainissement, allant de la collecte, du stockage à la confection des pavés et à la préparation du site pour la pose de ces pavés.

Comment s’est passée cette cérémonie ?

Esther Kamatari – Pour ce genre d’événement, on a plutôt l’habitude de dire « pose de la première pierre ». Et bien maintenant, il va falloir prendre l’habitude de dire : « pose du premier pavé plastique ». L’histoire retiendra que le premier pavé en plastique noir recyclé a été posé ici par Mme Mbaranga. Et j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres jusqu’à disparition tous ces sacs plastiques qui polluent et défigurent notre environnement.

Une pollution que l’on voit très bien de l’espace ?

Esther Kamatari – C’est parfaitement exact ! Merci de me permettre d’adresser grâce à vous un message à Thomas Pesquet, notre astronaute adoré qui fait des photos magnifiques à partir de la station spatiale :

« Cher Thomas, qui êtes la fierté de la France, je vous demande une petite faveur quand vous passerez au-dessus de l’Afrique : pourriez-vous nous faire avant la saison des pluies une photo de la zone aéroportuaire de Bamako, où il y a tellement de plastiques noirs qu’on a l’impression qu’ils ont remplacé les feuilles des arbres ? »
Car il y a parfois des photos qui sont beaucoup plus parlantes que de longs discours... Cela sera très utile pour sensibiliser, ici au Mali, les autorités, les femmes et les jeunes à cette belle cause de la protection de l’environnement.

Pouvez-vous nous résumer la technique de ce recyclage des déchets plastiques ?

Esther Kamatari – Il s’agit de fabriquer des pavés de construction à base de sachets en plastique de 7 grammes chacun, collectés et mélangés à du sable. Des sachets plastique dont la durée d’usage n’excède pas en général vingt minutes, entre le marché et la maison, où il finit à la poubelle…

La recette de fabrication, qui reste un petit secret bien gardé, est à peu près la même que pour la mousse au chocolat ! La technique, assez simple et peu coûteuse, consiste à faire fondre ces plastiques noirs dans un chaudron où l’on ajoute du sable tamisé. La pâte ainsi obtenue est ensuite placée dans un moule pour obtenir des pavés qui pèsent 2 kg chacun. Les déchets plastiques étant également utilisés comme combustible, les coûts de production sont réduits et il est donc possible d’en produire à grande échelle.

Avec ces pavés, on pourra faire des trottoirs, des cours intérieures, des parcours sportifs... C’est une innovation qui va permettre de rendre nos villes plus propres et de créer des emplois. Ne perdons plus de temps pour innover et transformer notre environnement. Car si nous nous y mettons dès aujourd’hui non-stop jour et nuit, il nous faudra encore dix ans pour éliminer tous les plastiques du Mali !

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« Au XIIe siècle déjà, la protection de l’environnement
était inscrite dans la Charte du Mandingue »

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Comptez-vous faire ce genre d’opération dans d’autres villes du Mali ?

Esther Kamatari – Nous commençons par Bamako, mais je peux déjà vous donner rendez-vous à Mopti, où nous travaillons avec la Minusma pour la mise en place d’un projet identique. L’idée est de continuer à Gao, Sikasso et Tombouctou où la ville croule et disparaît sous les plastiques. Par ces actions locales et concrètes, qui constituent des exemples inspirants pour les générations futures, nous comptons bien sensibiliser les populations – en particulier inspirer des formations pour les plus jeunes – à la conservation de la biodiversité qui fait la richesse de notre planète.

Comment vous-êtes vous prise de passion pour le Mali ?

Esther Kamatari – J’ai implanté dès 2019 dans la capitale malienne la Fondation Esther Kamatari pour un environnement durable, dont le but premier est la protection de l’environnement et l’urgence l’assainissement. Mais je ne suis pas venue ici par hasard : au XIIe siècle déjà, la protection de l’environnement était inscrite dans la Charte du Mandingue !

Je vous donne un seul exemple pour mettre en lumière l’urgence de ce combat pour l’environnement : il y a une trentaine d’années, le fleuve Niger [qui coule à Bamako et fait une grande boucle à travers le pays, ndlr] avait une profondeur de 20 mètres et aujourd’hui réduite à quatre mètres, à cause du réchauffement climatique, du sable et de la pollution des déchets plastiques. À ce rythme, il n’y aura plus de fleuve Niger dans trente ans !

Que pensez-vous de cette période de transition un peu mouvementée que vit actuellement le Mali ?

Esther Kamatari – Laissons les Maliens régler à la malienne leurs affaires internes entre eux et trouver une solution rapide et pacifique pour sortir le pays de la crise et reprendre le chemin d’une transition apaisée menant à des élections au-dessus de tout soupçons. Mais arrêtons surtout au plus vite de leur donner des leçons et de menacer le Mali de sanctions. Tout le monde sait que se sont le peuple et les petites gens qui font toujours les frais des sanctions internationales.

Contact Twitter : @EKAMATARI

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