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Les solutions numériques, un moyen pour relever le défi de l’éducation et de la formation professionnelle en Afrique (BearingPoint - J.-M. Huet, L. Ploen, F. Rieux)

1er mai 2022
Les solutions numériques, un moyen pour relever le défi de l'éducation et de la formation professionnelle en Afrique (BearingPoint - J.-M. Huet, L. Ploen, F. Rieux)
Parmi les moyens de relever le double défi – quantitatif et qualitatif – de l’éducation en Afrique figurent des solutions numériques, en particulier pour le segment de la formation professionnelle, qui est un maillon indispensable reliant l’éducation et l’insertion dans le marché du travail. Et cela d’autant plus que le numérique est devenu en Afrique un incontournable pourvoyeur d’emplois…

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Une contribution de
Jean-Michel HUET, associé BearingPoint,
Lennart PLOEN, manager BearingPoint,
Florence RIEUX, consultante BearingPoint

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En Afrique, notamment subsaharienne, l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels (EFTP) est nécessaire, mais très sous-estimé.
Des progrès sensibles ont été réalisés au cours des dernières années dans l’éducation en Afrique, en particulier au niveau de l’éducation de base. En Afrique subsaharienne, le taux d’alphabétisation est passé de 52 % en 1990 à plus de 65 % en 2019 alors que, dans le même laps de temps, le nombre d’enfants scolarisés au primaire a triplé, pour avoisiner aujourd’hui les 180 millions [1].

En revanche, l’accès à l’enseignement secondaire (collège, lycée) et supérieur demeure restreint sur le continent, et fortement conditionné par l’origine sociale et le sexe des élèves [2]. En Afrique sub-saharienne, moins de 2 % des élèves de la classe d’âge concernée sont aujourd’hui engagés dans un parcours d’Enseignement et Formation Techniques et Professionnels (EFTP) [3] :

Désignée en anglais sous le sigle Technical and Vocational Education and Training (TVET), l’EFTP désigne une formation professionnelle, souvent technique, fondée sur l’apprentissage et la pratique de méthodes et gestes spécifiques, afin de préparer l’élève à une entrée immédiate sur le marché du travail, par opposition à l’enseignement académique.

Elle vise souvent des secteurs tels que l’agriculture, le commerce, l’industrie ou les services, et peut interagir avec les systèmes d’apprentissage ou d’alternance. Elle est dispensée dans des établissements tels que les lycées professionnels et techniques, les IUT (Instituts Universitaires de Technologie, rattachés à des universités), les écoles de formations certifiantes… Bien que cette voie soit souvent moins valorisée que l’enseignement général et les études supérieures académiques aux yeux du grand public, un système d’EFTP performant – dans le cas des collèges KOSEN du Japon, il englobe l’ingénierie appliquée, à un très bon niveau, notamment dans le numérique – peut préparer ses diplômés à des carrières de premier plan et fournir des passerelles vers l’université à ceux qui le désirent.

Parmi les moyens de relever le double défi – quantitatif et qualitatif – de l’éducation en Afrique figurent des solutions numériques, en particulier pour le segment de la formation professionnelle, qui est un maillon indispensable reliant l’éducation et l’insertion dans le marché du travail.

De l’intérêt de former au numérique et d’utiliser le numérique au service de la formation professionnelle ou de l’éducation supérieure en Afrique

Les usages africains du digital, de plus en plus répandus [4], ainsi que la transition numérique engagée à marche forcée depuis l’apparition de la COVID-19 et la fermeture des établissements d’enseignement, rendent le contexte actuel propice à l’utilisation des TICE (Technologies de l’Information et de la Communication au service de l’Education) dans la formation professionnelle.

De plus, le numérique est devenu en Afrique un incontournable pourvoyeur d’emplois : la GSMA estime par exemple que 650 000 emplois formels, auxquels s’ajoutent 1,4 million d’emplois informels, sont soutenus par l’écosystème de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne [5]. L’alphabétisation numérique (digital literacy) fait désormais partie des compétences de base nécessaires sur le marché du travail africain. En Afrique du Sud, l’automatisation de processus, l’analyse de données, le Big Data, l’intelligence artificielle, le machine learning, figurent toutes dans les 10 premières expertises recherchées par les organisations sondées pour le rapport The Future of Jobs (2020) du Forum économique mondial [6], alors que moins de 30 % de la population active dispose de compétences digitales.

L’EFTP est sans doute l’échelon de formation au digital le plus urgent et le plus pertinent aujourd’hui pour l’Afrique, pour plusieurs raisons :

– il permet d’insérer au plus vite des millions de jeunes africains chômeurs ou travailleurs informels sur le marché du travail en forte demande de compétences numériques ;

– il constitue un levier pour promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, en écho à l’Objectif de Développement Durable n°4 des Nations Unies, et notamment satisfaire les besoins d’alphabétisation des adultes, de formation, ou de reconversion professionnelle ;

– il permet de gagner en productivité via l’automatisation des tâches et d’assurer la poursuite de l’activité économique à distance en temps de crise.

En outre, le numérique permet de gagner en efficacité dans l’EFTP et l’enseignement supérieur.
Premièrement,
la digitalisation de l’EFTP permet un meilleur pilotage des politiques publiques du secteur et une réponse agile aux attentes du marché du travail local, grâce à la récolte de données de qualité : suivi d’indicateurs de performance ; enregistrement des élèves, professeurs, diplômes ; diffusion d’informations ; identification des besoins…. Des suivis automatisés de l’insertion des diplômés auraient également l’avantage de fournir aux élèves des exemples concrets des débouchés de chaque formation, voire de rencontrer aisément les employeurs, ce qui faciliterait leur orientation.

Deuxièmement, il est possible d’étendre l’enseignement et la formation, tout en améliorant leur qualité, grâce au digital. Selon l’UNESCO [7], environ 42 % des entreprises du classement Fortune 500 aux États-Unis proposent désormais des formations basées sur les technologies digitales, constatant que cela réduit les coûts de formation de 50 %, réduit le temps de formation jusqu’à 60 % et augmente le taux de rétention de l’information jusqu’à 60 %.

En particulier, dans le contexte de pénurie d’enseignants dont souffrent les systèmes éducatifs africains, le digital pourrait permettre de fournir rapidement une éducation de masse, aux standards de qualité vérifiables, ce qui en ferait un puissant levier d’inclusion sociale [8] et de genre [9]. Sur le continent africain, dont le marché du travail est largement informel et où les femmes ont la plus forte proportion d’entrepreneures au monde, utiliser le digital pour former à l’entrepreneuriat à moindre coût, est d’ailleurs particulièrement pertinent, par exemple avec la « boîte à outils PME » de l’IFC (la Société Financière Internationale du Groupe Banque Mondiale) et d’IBM, ou « Start and Improve Your Own Business », de l’Organisation internationale du travail (OIT).

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1 - Source : statistiques en ligne de la Banque Mondiale, https://data.worldbank.org/

2 - Institut de Statistique de l’UNESCO, « L’ISU publie les données nationales les plus actuelles de l’ODD 4 sur l’éducation » (26 février 2020), http://uis.unesco.org/fr/news/lisu-publie-les-donnees-nationales-les-plus-actuelles-de-lodd-4-sur-leducation

3 - Source du graphique : BearingPoint, 2022, d’après l’UNESCO-UNEVOC International Centre for Technical and Vocational Education and Training, Technical and vocational education and training for disadvantaged youth (2021), https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000378367/PDF/378367eng.pdf.multi

4 - En 2019, 77 % de la population d’Afrique subsaharienne disposait d’une carte SIM, soit 816 millions d’utilisateurs, et 26 % de la population d’Afrique subsaharienne, soit près de 272 millions de personnes, en particulier parmi les jeunes, utilisait l’internet mobile. Voir GSMA, The Mobile Economy – Sub-Saharan Africa (2021), https://www.gsma.com/mobileeconomy/sub-saharan-africa/

5 - GSMA, The Mobile Economy – Sub-Saharan Africa (2021), https://www.gsma.com/mobileeconomy/sub-saharan-africa/

6 - Forum Economique Mondial, The Future of Jobs 2020 (octobre 2020), http://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_Jobs_2020.pdf

7 - UNESCO, Using ICTs and Blended Learning in Transforming TVET (2017), https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000247495/PDF/247495eng.pdf.multi

8 - UNESCO-UNEVOC International Centre for EFTP, Technical and vocational education and training for disadvantaged youth (2021), https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000378367/PDF/378367eng.pdf.multi

9 - En Afrique subsaharienne, où une fille sur quatre tombe enceinte avant son dix-huitième anniversaire selon l’UNICEF (voir https://data.unicef.org/topic/child-health/adolescent-health/), les outils d’enseignement en ligne et à distance peuvent offrir aux jeunes femmes et aux mères une flexibilité indispensable à la continuité de leur formation.

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