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Jérémie PELLET, DG Expertise France (1/3) : « Co-construire et conduire un programme de développement en Afrique, c’est notre responsabilité d’ensemblier »

19 janvier 2021
Jérémie PELLET, DG Expertise France (1/3) : « Co-construire et conduire un programme de développement en Afrique, c'est notre responsabilité d'ensemblier »
Expertise France, agence internationale de coopération technique, travaille au service des ministères français, mais aussi de l’Union européenne et de toutes les agences de développement du monde. Jérémie Pellet, son Directeur général, nous explique ici les valeurs de l’agence et son mode de fonctionnement en Afrique, y compris dans les pays en conflit.

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Entretien exclusif par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Que représente l’Afrique dans l’activité d’Expertise France ?

Jérémie Pellet – Nous sommes présents dans une centaine de pays dans le monde, mais surtout une agence très africaine par l’activité, comme l’Agence française de développement (AFD), voire plus, puisque le continent africain concentre 70 % de nos missions, avec une très grande partie en Afrique subsaharienne, mais aussi des engagements significatifs en Afrique du Nord et sur le bassin méditerranéen, jusqu’au Proche-Orient.

En fait, nous sommes là où la France nous attend, c’est-à-dire beaucoup dans les pays 19 prioritaires (1), de la coopération française, tous situés sur le continent africain à l’unique exception de Haïti. Notre rôle, c’est d’aider les pays partenaires à renforcer leurs politiques publiques, dans les domaines de l’économie, la santé, l’éducation, la sécurité, le développement durable, la lutte contre le changement climatique… au bénéfice des populations, bien évidemment.

Deux ou trois exemples de missions finalisées en Afrique, en 2020 ?

Jérémie Pellet – Je citerai d’abord l’exemple du Burkina Faso, pays dans lequel nous travaillons avec le gouvernement pour essayer de donner des perspectives d’emploi aux jeunes dans les régions les plus fragiles du Burkina, en l’occurrence dans la zone des Trois frontières – Mali, Burkina Faso, Niger – un espace très compliqué en ce moment, sans doute le plus exposé au terrorisme.

Avec l’aide de partenaires locaux et du gouvernement burkinabé, nous avons conduit un programme de formation de 10 000 jeunes, qui est maintenant finalisé, et a aussi généré la création de 1 500 entreprises.
Cette première phase a été financée par l’Union européenne, pour 7 millions d’euros, et 5 millions d’euros supplémentaires sont alloués à la seconde phase, que nous démarrons.

À quels métiers avez-vous formé ces 10 000 jeunes maliens,
dans le contexte sécuritaire très difficile que l’on sait ?

Jérémie Pellet – Nous les avons formés à des métiers manuels, du secteur du bâtiment à celui de la restauration et des services, par des actions rapides de formation professionnelle qualifiante pour l’employabilité. C’était le but de l’exercice.
Cette mission, accomplie dans cette zone délicate des Trois frontières, focalise maintenant beaucoup l’attention de la communauté internationale.

En quelle manière avez-vous contribué à la création
des 1 500 entreprises que vous évoquez ?

Jérémie Pellet – Nous avons construit le programme, c’est-à-dire trouvé les collectivités locales partenaires, les associations pouvant réaliser les formations professionnelles dans les différents territoires, et nous les avons financées et accompagnées. Nous avons structuré l’ensemble en lien avec le gouvernement burkinabé, donc bien en phase avec le cœur de notre mission d’accompagner la gouvernance des pays partenaires. Et nous nous sommes engagés sur un objectif – 10 000 jeunes formés – que nous avons atteint.

Co-construire et conduire un programme de développement en Afrique – dans ce cas sous la supervision de l’Union européenne, commanditaire du programme – c’est la responsabilité de notre métier d’ensemblier.

Un autre exemple ?

Jérémie Pellet – Notre action en Libye, autre territoire très fragile, enlisé dans le confit que l’on sait ! Malgré cela, avec des financements de l’Union européenne, de la France et du Royaume-Uni, nous y conduisons depuis plusieurs années des programmes d’accompagnement de start-up, en soutien aux universités libyennes. Nous avons ainsi travaillé avec l’opérateur de téléphonie mobile libyen pour mettre en place un incubateur, un accélérateur de start-up et des programmes d’accompagnement de jeunes Libyens, diplômés des universités qui continuent à dispenser des cours, malgré le contexte si difficile.

Nous avons travaillé avec six d’entre elles, de Tripoli à Benghazi, en passant par Misrata… Certains programmes axés sur l’innovation ont aussi très bien fonctionné, générant des créations d’entreprises et d’emplois.

Ces expériences et leurs résultats positifs ont beaucoup intéressé les voisins tunisiens. Ils nous ont ainsi demandé de les accompagner sur leur projet de station T, le pendant de la station F parisienne, que le gouvernement tunisien souhaite mettre en place à Tunis.
Plus largement, sur cette région d’Afrique du Nord très dynamique, nous avons pour ambition de contribuer à accélérer la transition économique et le développement de l’innovation.

Vous êtes aussi très impliqué dans le secteur de la santé…

Jérémie Pellet – Oui, nous avons une action très forte dans ce domaine, nous renforçons les systèmes de santé pour aider les pays les plus pauvres à lutter contre le paludisme, le sida et la tuberculose. Dans le cadre de ce que l’on appelle l’Initiative – avec un I majuscule – notre mission vient en complément de l’activité du Fonds mondial sur ces trois pandémies.

À titre d’exemple nous avons lancé un programme très symbolique avec l’agence Unitaid puisqu’il vise à lutter contre le cancer du col de l’utérus, qui est la première maladie létale pour les femmes séropositives.
Ce programme est intéressant parce qu’il teste de nouvelles manières de détecter très facilement le cancer du col de l’utérus. Quand je dis « très facilement », c’est par exemple grâce à un système de dépistage qui partage des informations par téléphone portable et un traitement innovant des lésions précancéreuses. L’idée, c’est de vérifier que cela peut bien fonctionner. Et si c’est le cas, de porter le plaidoyer auprès d’autres pays africains pour déployer largement ce programme.

En Libye, où sévit encore la guerre civile, de quel interlocuteur légal avez-vous reçu commande de votre mission ? Fonctionnez-vous exclusivement sur la base de réponses à appels d’offres ?

Jérémie Pellet – La Libye est un cas intéressant car le besoin a été exprimé par les porteurs de projets, notamment les universités – donc la société civile, peut-on dire.
Nous fonctionnons effectivement en répondant à des appels d’offres, et aussi, nous travaillons de plus en plus en partenariat avec l’Union européenne. Nous sommes une agence dite accréditée pour faire de la gestion déléguée de fonds européens, c’est-à-dire que la Commission européenne nous sollicite sur une thématique particulière, ou un pays.

En réponse, nous lui proposons un programme. Elle l’accepte ou pas, mais cela nous permet de véritablement contribuer dès le commencement à l’élaboration d’un projet. Bien sûr, d’autres agences sont également accréditées, comme la GIZ allemande, par exemple.
L’important pour nous est la relation de confiance très forte que nous avons bâtie avec l’Union européenne, qui est de fait notre premier commanditaire, puisque la moitié de nos missions est financée sur fonds européens, et aussi la moitié de nos activités en Afrique.

Le cadre financer européen pour 2021-2027 doit encore être approuvé par le Parlement, mais tel qu’il a été finalisé en décembre par la Commission, il prévoit plus de 30 milliards d’euros pour l’Afrique. Votre point de vue sur cet engagement, le plus important jamais consacré à l’Afrique, dans le cadre d’un Plan d’investissement extérieur (PIE) de l’UE ?

Jérémie Pellet – L’Europe accentue son engagement en appui au développement des pays du Sud, c’est très positif ! Surtout quand on sait que les débats budgétaires européens ont été très compliqués, et que les priorités sont encore plus prégnantes avec l’horrible année 2020.

La France aussi, d’ailleurs, fait un effort budgétaire considérable. Rappelons-nous que l’aide publique française au développement est passée de 9,5 milliards d’euros en 2017, à 14 milliards en 2020 – dont plus de 5 Md€ pour la seule Afrique.

C’est une chance, pour Expertise France, d’être l’agence d’un pays comme la France et d’un ensemble comme l’Union européenne, qui ont une vraie une volonté d’appuyer les pays en développement, et particulièrement les pays africains.

Depuis quelque temps, on entend s’affirmer parmi de grands opérateurs (notamment Bpifrance, lire l’article ICI) cette idée de co-construire avec l’Afrique, dans une démarche de partenariat de pair à pair, entre égaux… Quelle perception en avez-vous ?

Jérémie Pellet – Du côté de l’Union européenne, on constate qu’en effet ce terme de partenariat est même constitutif de l’intitulé de la mission de Madame Jutta Urpilainen, la Commissaire aux « Partenariats internationaux », justement. Côté France, le Président Emmanuel Macron a clairement affirmé sa vision d’arrimage des deux continents dès novembre 2017, avec son discours de Ouagadougou.

À Expertise France, on se retrouve beaucoup dans ce terme de partenariat qui devient le nouveau mot-clé, aussi bien au niveau français qu’européen, de notre action avec l’Afrique. Je dis bien « avec », c’est le mot marqueur du partenariat.

D’ailleurs, si notre activité nous fait mobiliser l’expertise française – c’est notre cœur de métier –, nous nous appuyons aussi beaucoup sur les réussites africaines, en mobilisant pour nos missions des experts du Continent.
Cela alimente ce dialogue de pair à pair, car une part des solutions à certains de grands problèmes mondiaux – changement climatique, pandémies, sécurité… – se trouve partout, à Abidjan ou à Johannesburg tout comme à Paris, ou en Corrèze !

C’est dire aussi que nous n’entendons plus la coopération comme un sens unique. Elle se fait dans les deux sens, avec du partage d’expériences, dans un dialogue respectueux et un apprentissage réciproque. Nous sommes aujourd’hui dans une époque où nous cherchons ensemble des solutions communes.

C’est vraiment un état d’esprit que nous essayons de mettre en avant, qui nous anime aussi dans l’accompagnement des organisations régionales et continentales africaines. Car ce mouvement de partage des bonnes pratiques est selon nous un axe puissant pour accélérer le développement. Cet état d’esprit me paraît en fait assez largement partagé dans la plupart des institutions qui travaillent avec l’Afrique.

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1 / Les pays prioritaires de l’aide française au développement - Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018 a établi la liste suivante des pays prioritaires de l’aide française, l’Afrique représentant 18 pays sur les 19 choisis : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.

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