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Ilyes Zouari, Président du CERMF : « L’Afrique subsaharienne francophone devrait encore être la partie la plus dynamique du continent en 2021 » (3/4)

6 avril 2021
 Ilyes Zouari, Président du CERMF : « L'Afrique subsaharienne francophone devrait encore être la partie la plus dynamique du continent en 2021 » (3/4)
La dette publique a globalement été maîtrisée en Afrique subsaharienne francophone, qui demeure, et de plus en plus, la partie la moins endettée du Continent… et à un niveau très inférieur à celui des pays développés ! De plus, elle devrait tirer un plus grand profit du rebond attendu en 2021, dans un contexte international et africain plus favorable.

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Une contribution de Ilyes ZOUARI
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier
Président du CERMF
Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone

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En 2020, et au niveau de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, 10 des 28 pays ayant observé une hausse supérieure à cinq points de pourcentage du poids de la dette par rapport au PIB sont francophones (soit moins de la moitié des pays francophones, même en y incluant les Seychelles), et 5 des 14 pays ayant connu une hausse supérieure à dix points sont francophones (Seychelles inclus).

Parmi les 10 pays les plus endettés d’Afrique subsaharienne (et également du Continent) au terme de l’année 2020, trois sont francophones, dont les Seychelles et Maurice. Le Congo-Brazzaville, pays francophone le plus endetté, n’arrive qu’à la septième place au niveau subsaharien comme au niveau continental. Le Congo faisant partie des cinq pays francophones subsahariens ayant connu la hausse la plus importante de leur niveau d’endettement en 2020, avec deux autres pays pétroliers d’Afrique centrale (le Gabon et la Guinée équatoriale), les Seychelles (extrêmement dépendants du tourisme) et la Guinée (très dépendante des industries minières).

Si trois des pays de la zone Cemac ont connu une importante augmentation de leur endettement, les autres pays de cette même zone monétaire, comme le Cameroun, sont à l’inverse parvenus à en assurer la stabilité, à l’instar de la quasi-totalité des pays francophones de la zone UEMOA, qui a été, là aussi, la zone la plus stable du continent. En effet, et selon les estimations du FMI, l’UEMOA est l’ensemble ayant connu la plus faible hausse de son endettement au cours de l’année 2020, avec une augmentation globale de seulement 3,4 points (passant de 45,0 % à 48,4 %).

Dans cet espace, seul un des sept pays francophones membres a vu son niveau d’endettement croître de plus de cinq points de pourcentage, à savoir le Niger (+ 6,3 points, soit une hausse modérément forte). Pour sa part, le Sénégal est le pays ayant connu la variation la plus légère (+1,3 point).

Pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, aucun des cinq pays le plus endettés n’est francophone (le Togo n’arrivant qu’à la sixième position), et aucun des quatre pays ayant connu une hausse supérieure à dix points de leur niveau d’endettement en 2020 ne fait partie de la zone UEMOA (le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau et le Cap-Vert).

Parmi ces quatre pays, le Ghana a connu une hausse assez brutale de sa dette publique, dont le niveau est passé de 62,8 % à 76,7 % du PIB, soit près du double de celui de la Côte d’Ivoire voisine (41,7 %, contre 37,9 % en 2019).

Le Ghana a donc désormais un endettement à peu près aussi important que celui de l’Afrique du Sud, dont la dette publique a également connu une très forte hausse, passant de 62,2 % à 78,8 % et rapprochant ainsi le pays de la liste des dix pays les plus endettés du continent (14e).

Parmi ces dix pays, six font partie de ceux ayant connu la plus forte augmentation de leur dette publique en 2020, alors même qu’ils faisaient déjà partie des dix pays le plus endettés un an plus tôt (le Soudan, le Cap-Vert, le Mozambique, l’Angola, la Zambie et le Congo). Arrivant une nouvelle fois en tête du classement des pays les plus endettés, le Soudan continue à traverser une grave crise économique et financière. Une situation qui n’est pas sans conséquences, et qui est probablement, entre autres, à l’origine de deux décisions majeures ayant marqué la politique étrangère du pays au cours de l’année 2020, et passées relativement inaperçues, à savoir la conclusion d’un accord avec la Russie pour l’installation prochaine d’une base militaire, et l’établissement de relations diplomatiques avec Israël en vue d’un rapprochement avec les États-Unis.
Deux décisions faisant du Soudan le premier pays africain à abriter une base militaire russe, ainsi que le premier pays arabo-africain non frontalier à nouer des relations diplomatiques avec l’État hébreu.

Globalement, l’Afrique subsaharienne francophone demeure donc la partie la moins endettée du continent, tout en creusant l’écart un an après le déclenchement de la pandémie. Début 2021, le taux d’endettement global de cet ensemble composé de 22 pays s’établit à 47,7 % du PIB, en hausse de 4,1 points sur un an (57,3 % pour l’ensemble de l’Afrique francophone, Maghreb inclus). Un niveau largement inférieur à celui de la majorité des pays développés.

Pour le reste de l’Afrique subsaharienne, le taux se situe à 64,3 %, en hausse de 8,3 points (69,1 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone). Un an plus tôt, l’écart entre l’Afrique subsaharienne francophone et le reste de l’Afrique subsaharienne était déjà de 12,4 points (et de 11,1 points entre l’ensemble de l’Afrique francophone et le reste du continent).

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Un rebond attendu dans un contexte
international et africain plus favorable

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Même s’il convient de faire toujours preuve de prudence au sujet des prévisions établies en cours d’année pour les pays en développement, et de surcroît dans la période actuelle, marquée par une pandémie non encore maîtrisée, l’Afrique subsaharienne francophone devrait une nouvelle fois être la partie la plus dynamique du continent en 2021, tout en en demeurant la partie la moins endettée.

Le contexte international devrait être favorable à un redémarrage progressif de l’activité, avec une situation sanitaire qui semble s’améliorer petit à petit, et avec des cours des hydrocarbures qui devraient se maintenir, en dépit d’une récente hausse, à un niveau raisonnable pour les pays importateurs de pétrole et de gaz (notamment à cause de la progression constante de la part des énergies renouvelables, et des efforts en matière de réduction des gaz à effet de serre), et soutenir ainsi la croissance de la plupart des pays francophones, assez pauvres en richesses naturelles.

Pour leur part, les pays de la zone CFA (soit 13 des 22 pays francophones subsahariens et la Guinée-Bissau, et auxquels l’on peut aussi ajouter les Comores, dont la monnaie est également arrimée à l’euro), devraient continuer à bénéficier, dans leurs efforts de diversification, d’un euro assez bon marché, compte tenu de la crise économique que connaissent les pays européens partageant cette monnaie unique, et notamment l’Allemagne dont l’économie était déjà en difficulté en 2019 (avec une croissance de seulement 0,6 %, contre 1,5 % pour la France).

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L’incidence pour l’Afrique
de la compétition entre États-Unis,
Chine et Allemagne

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Première puissance exportatrice d’Europe, l’Allemagne, qui a historiquement toujours été en faveur d’un euro fort, au risque de pénaliser les pays de la zone CFA dont la monnaie y est arrimée (et de nuire ainsi, doublement, aux intérêts de la France), n’a aujourd’hui d’autre choix que de maintenir l’euro à un niveau raisonnable.

Et ce, d’une part à cause de la crise économique internationale et de la baisse de la croissance chinoise, et d’autre part, parce qu’elle devrait être également pénalisée par l’accord commercial signé en 2019 entre les États-Unis et la Chine, et selon lequel celle-ci s’engageait à importer pour 200 milliards de dollars de produits et services américains supplémentaires au cours des deux années suivantes (au détriment donc, probablement, d’un certain nombre de produits et de services allemands).
Un accord qui demeure en vigueur, même si sa mise en application a pâti de la pandémie, et qu’une renégociation partielle pourrait prochainement avoir lieu.

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Un contexte africain
plus favorable avec la ZLECA…

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Par ailleurs, et parallèlement à l’amélioration du contexte international, le contexte africain devrait lui aussi connaître une évolution favorable à la croissance économique, avec la mise en place progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), entamée le 1er janvier 2021.

Du moins d’un point de vue théorique, puisqu’il convient de rappeler que la hausse des échanges entre pays ne dépend pas seulement de l’abaissement ou de l’élimination des barrières douanières entre ces mêmes pays, mais également et surtout de la capacité de ces derniers à produire des biens et services, au travers de la mise en place préalable d’un environnement national favorable à l’investissement (cadres juridique, réglementaire et fiscal, infrastructures et formation, devant permettre à la fois de produire des biens et services et d’en assurer la compétitivité). L’évolution marginale des échanges au sein des ensembles régionaux ayant déjà abaissé ou supprimé les taxes douanières est là pour le démontrer.

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… mais aux effets encore ténus

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Il en va d’ailleurs de même pour ce qui est de la question d’une monnaie unique, à l’instar de l’Eco que les pays d’Afrique de l’Ouest, membres de la CEDEAO, semblent souhaiter mettre en place. Ainsi, force est de constater que les pays de la zone UEMOA, qui bénéficient déjà, et depuis longtemps, d’une vaste zone de libre-échange doublée d’une monnaie unique, n’ont vu leurs échanges que faiblement augmenter à l’intérieur de cet espace, et demeurer à des niveaux globalement assez bas.

Autre exemple intéressant, la part de la zone euro dans le commerce extérieur de la France a baissé depuis la mise en place de cette monnaie unique, suite à une augmentation plus importante des échanges entre la France et le reste du monde qu’avec les pays de la zone euro. Ce qui permet, d’ailleurs, de constater que les flux commerciaux entre la France et les autres pays de la zone monétaire étaient déjà très importants avant l’adoption d’une monnaie unique…

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PROCHAIN ARTICLE (4/4) :
Pourquoi la prudence s’impose avant l’adoption d’une éventuelle monnaie ouest-africaine

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