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"Monsieur Mélenchon, vous avez blessé un million d’électeurs"

Jean-Luc Mélenchon et Cyril Hanouna, le 11 février dans "Balance ton post"
Jean-Luc Mélenchon et Cyril Hanouna, le 11 février dans "Balance ton post" © Jack Tribeca / Bestimage
Emilie Cabot , Mis à jour le

Dans «Balance ton post» en février, Jean-Luc Mélenchon a baptisé de «101e Dalmatien» Edouard Philippe dont la barbe a blanchi à cause d’un vitiligo. Des propos qui ont blessé de nombreuses personnes atteintes de cette maladie orpheline. L’Association Française du Vitiligo lui répond dans une tribune.

C’est une petite pique, glissée en fin d’émission, sur le ton de l’humour, qui n’est pas passée inaperçue et qui a blessé. Le 11 février, invité de «Balance ton post», qui a réuni ce soir-là un peu plus de 700 000 téléspectateurs, Jean-Luc-Mélenchon a eu une remarque sur la barbe d’Edouard Philippe, blanchie par endroits, à cause d’un vitiligo, maladie apparue durant ses années à Matignon. Evoquant «le bagne à l’état pur» qu’est la rue de Varenne, le leader de la France insoumise a ainsi ironisé face à Cyril Hanouna et ses chroniqueurs : «Vous avez vu monsieur Edouard Philippe, il est arrivé il était tout noir, il a fini comme le 101e Dalmatien, à moitié blanc, à moitié noir».

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Lire aussi : Jean-Luc Mélenchon se moque d'Edouard Philippe qui "a fini comme le 101e Dalmatien"

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Ces mots ont touché de nombreuses personnes atteintes de cette maladie, qui entendent ce genre de réflexions, de surnoms et de sobriquets bien trop régulièrement. «Nous avons reçu des mails de malades choqués qui expriment leur détresse, qui nous ont demandé d’agir», explique à Paris Match Jean-Marie Meurant, président de l’Association Française du Vitiligo. «C’est d’autant plus grave quand cela vient d’une personnalité politique», déplore-t-il.

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«Nous étions déjà choqués lorsque nous avions découvert dans la presse le surnom donné à Edouard Philippe, par des ministres («Challenges » rapportait qu’il était alors surnommé «Kung-Fu Panda», «102e dalmatien » ou «vache normande», Ndlr). Cela restait anonymisé. Là, c’est Jean-Luc Mélenchon, à la télévision», souligne le président de cette association de défense et de soutien fondée il y a 30 ans. 

"Derrière il y a un vrai problème de société"

L’association a souhaité réagir au sein d’une tribune -que nous publions ci-dessous- avec pour but: «élever le débat». «Ce n’est pas une petite blague politicienne. Derrière il y a un vrai problème de société, des discriminations, une ostracisation des malades», insiste Jean-Marie Meurant.

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Voici la tribune :  

Monsieur Mélenchon, en un mot vous avez blessé 1 million d’électeurs!

Lors de votre passage à l’émission de Cyril Hanouna, vous lanciez en conclusion de votre intervention, parlant de la barbe d’Edouard Philippe, sur un ton goguenard : «Il a fini une moitié blanche, une moitié noire. Le 101e dalmatien». Très drôle! 

Permettez-nous de vous dire, vos chiffres sont faux Monsieur Mélenchon! Vous parlez du 101e dalmatien, vous semblez ignorer qu’il en existe près d’un million en France. Oui, vous l’ignorez, près d’1 million de personnes, qu’on appelle volontiers «dalmatien» comme vous le faites, ou encore «vache», souffrent d’une maladie, le vitiligo, qui se manifeste par une dépigmentation de la peau et des poils, laissant apparaitre des zones blanches, appelées souvent fort maladroitement «taches». 

Près d'un million de personnes, dont l’ex-Premier ministre, souffrent gravement de cette maladie et des comorbidités associées, allant jusqu’à la dépression, voire le suicide, non seulement à cause des douleurs physiques, mais surtout, surtout à cause du regard des autres et du harcèlement qu’elles subissent. Les enfants par exemple, qui n’osent plus aller à l’école, pour ne plus entendre «on t’a passé à l’eau de javel», on encore les cris de «houba houba» en référence au marsupilami, sans oublier le «t’es sale, t’as des taches..».

Et vous, Monsieur Mélenchon, le chantre de la justice, qui vous targuez de défendre «les gens» pauvres, fragiles, victimes de racisme, d’injustice, vous vous inscrivez dans la cohorte de celles et ceux qui, pour faire «un mot d’esprit», blessent et stigmatisent de nombreux malades. N’attendons-nous pas d’un homme politique comme vous, digne de ce nom, plutôt empathie et respect?

Pour votre information, la Journée internationale des maladies rares, dont le vitiligo, à laquelle participe la FIMARAD (Filière Santé Maladies Rares Dermatologiques), s’est tenue comme chaque année, le 28 février. Action loin d‘être vaine, cette journée a notamment pour objectif de sensibiliser le grand public et les décideurs à ces maladies, dont l’impact psychologique dévastateur et trop souvent minimisé. Vous déclariez récemment : «À force de montrer du doigt sans arrêt les mêmes, on provoque des réactions de rejet, un sentiment de frustration …», déclaration dont je vous laisse mesurer, en la circonstance, la justesse!

Enfin, l’orateur que vous êtes, connaît la puissance des mots, certains sont blessants d’autres réconfortants. Comme pourraient l’être vos mots d’excuses, qu’attendent en toute légitimité, toutes celles et ceux que vous avez heurtés.

En leur nom, nous vous en remercions. 

Pour l’Association Française du Vitiligo ,
Jean-Marie Meurant, Président et Nicolle Maquignon, Secrétaire générale 

Le document a été envoyé à Edouard Philippe et Jean-Luc Mélenchon

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Méconnu, le vitiligo est une maladie affichante qui touche indistinctement les enfants et les adultes, avec très souvent les mains et le visage. Elle entraîne un isolement, un repli sur soi, une détresse psychologique et parfois un refus de sortir. C’est aussi une maladie auto-immune qui engendre des comorbidités (problèmes de thyroïde, gastriques, rhumatismes, problème d’audition et de vision). Elle concerne 1 à 2% de la population mondiale, apparaît chez les hommes et les femmes, de n’importe quelle couleur de peau, à n’importe quel âge. «On parle beaucoup de la difficulté chez les adolescents de vivre avec ce mal, mais c’est difficile pour tout le monde», déplore l’association. 

"On aimerait qu’il y ait des personnalités qui soient des porte-drapeaux du vitiligo"

La barbe d’Edouard Philippe, et son évolution au fil des mois, a été l’objet de nombreux commentaires et hypothèses. Fin juin, lors de la campagne municipale pour la mairie du Havre, il avait confié à Paris Match les raisons de cette tache blanche. «C’est une maladie –un vitiligo– sans gravité, ni douloureuse ni contagieuse», avait-il révélé sans souligner que cette dépigmentation pouvait être aussi activée par le stress. Des passants s’inquiétaient de l'état de sa barbe, lui conseillaient de la teindre, lui s’en amusait et excluait de se raser.

Edouard Philippe le 9 février dernier.
Edouard Philippe le 9 février dernier. © JOEL SAGET / AFP

«On a vu tout de suite que c’était ça», se souvient le président de l’association, qui regrette toutefois que l’ex-Premier ministre n’en parle pas assez. «On aimerait qu’il y ait des personnalités avec une aura médiatique, qui soient des porte-drapeaux du vitiligo. Mais nous comprenons, c’est difficile de dire "j’ai une maladie" quand on est une personnalité».

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