Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 27 octobre 2021
Social

Métiers du grand âge : des avancées, vraiment ? 

Le manque d'attractivité des métiers d'aide à domicile reste une bombe à retardement, malgré la satisfaction du gouvernement qui estime que sa politique a un réel impact sur le recrutement des professionnels. 

Par Emmanuelle Stroesser

« Un an d'avancées majeures pour les professionnels ». C'est le titre du rapport présenté mercredi 20 octobre, au cours d'une manifestation co-organisée par les ministres du Travail, Élisabeth Borne, et de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, autour du plan des métiers du grand âge et de l'autonomie. Aide-soignant, accompagnateur éducatif et social, auxiliaire de vie sociale… ce plan, comme l'ont rappelé les ministres, vise à « revaloriser l'image », « améliorer les conditions de formation et de travail », ainsi que « revaloriser les salaires de ces professions ». Il s'inspire largement du rapport rendu par l'ancienne ministre Myriam El Khomri, rendu en octobre 2019.  Les ministres sont plutôt satisfaites des premiers impacts. La campagne de recrutement en octobre 2020 soutenue par Pôle emploi, les missions locales et les Agences régionales de santé, a permis de combler 75 % des offres d'emploi en établissement, dans les EHPAD et dans les services à domicile. 

Pénurie de personnel dans l’aide à domicile

Dans le secteur du domicile, l'attractivité « commence par la fiche de paye », a convenu Brigitte Bourguignon, se félicitant de la récente revalorisation de 13 à 15 % pour les salariés des services à domicile et des SSIAD. Cette revalorisation était effectivement attendue depuis quatre ans du côté des associations. Le rapport El Khomri, en nommant et pointant ses faiblesses, a contribué à faire que l'avenant à la convention collective des aides à domicile soit signé. Il est entré en application depuis le 1er octobre. Mais cela ne suffit pas à garantir un regain d'attractivité des métiers selon les professionnels. « Car ce n'est qu'un rattrapage de plus de 15 ans de non évolution salariale »  nous a expliqué Marie-Reine Tillon, la présidente de l'UNA (Union nationale de l’aide), interrogée par Maire info début octobre.

Aujourd'hui, les pénuries de professionnel s'accentuent. À cela s'ajoutent un absentéisme important, à mettre en corrélation avec un taux de sinistralité (accidents du travail et de trajets) très important, encore aggravé par la crise du covid-19. « Nous avions déjà des difficultés à recruter, mais il n'est plus rare de ne recevoir aucune réponse ! Des directeurs passent leur temps à jongler avec leur planning. On n'a jamais vu cela avec une telle ampleur », s'alarme Marie-Reine Tillon. In fine, ce sont aussi des prises en charge de personnes en APA ou handicapées qui sont refusées. « Comment voulez-vous faire sans personnel ? »   

L'image des métiers, la formation en amont et la formation continue, le temps de travail (très majoritairement partiel) font partie des autres chantiers que le secteur doit engager. « Il y a eu des choses de faites dans nos structures, mais pas suffisamment », regrette la présidente. Et de citer d'autres urgences, comme « d'évoluer dans notre management », ou « sur l'égalité hommes femmes »  dans un métier à 99 % féminin. 

Des structures également fragilisées

Relayant la campagne de mobilisation des acteurs sociaux (lire Maire info du 27 septembre), elle alerte à son tour sur les risques que des associations n'aient d'autre choix que de « baisser le rideau », faute de « réserve de trésorerie suffisante ». Les grosses structures notamment doivent absorber la « hausse de la masse salariale entre 18 et 20 % ». Étant habilitées à l'aide sociale, elles ne peuvent répercuter cette hausse sur le reste à charge des usagers, tandis que les tarifs sont encadrés par les départements. Si certains départements ont anticipé ce surcoût, comme dans le Pas-de-Calais, d'autres ont reporté à novembre la modification de leur budget. « Certains ont dit qu'ils feraient des avances de trésorerie, d'autres traînent au prétexte que l’État décide », critique la présidente. « Le problème c'est qu'au milieu du gué, il y a nos associations, et les publics que nous accompagnons », explique-t-elle. 

Du côté des services portés par des CCAS (20 % des adhérents de l'UNA), la situation semble encore plus inquiétante, car les aides à domicile et auxiliaires de vie embauchées dans ces services ne sont pas concernées par les récentes revalorisations salariales puisqu'elles relèvent de la FPT. Cela a justifié, début octobre, l'interpellation du gouvernement par la commission des affaires sociales de l'AMF sur « la très importante pénurie d’aides à domicile et d’auxiliaires de vie pour travailler dans les services des CCAS ». Les élus plaident pour une réflexion « sur la revalorisation du statut de ces agents de catégorie C ». Pour la présidente de l'UNA, le risque est réel d'une « fuite »  des aides de domicile de CCAS vers les associations, et de celles-ci vers les établissements, sous l'effet des revalorisations du Ségur des métiers d'aide-soignant. « L'avenant compense à peu près le Ségur, mais pas le volet 2 applicable début 2022 qui va à nouveau marquer une différence entre les soignants à domicile ou en établissement ».

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